Quel est l’impact des micropolluants sur la santé et la biodiversité ?

On le sait désormais, les micropolluants sont partout autour de nous. Hydrocarbures, métaux lourds, pesticides, résidus de médicaments, substances issues de nos produits du quotidien telles que les filtres UV, les phtalates, parabens, triclosan… Si les études se multiplient, ce n’est pas si simple de démontrer les effets toxiques de ces substances. Beaucoup de paramètres sont en jeu, à commencer par la quantité même des molécules à étudier ! On fait le point sur le sujet. 

Un impact sur la biodiversité déjà démontré 

La présence de certains micropolluants dans les milieux aquatiques naturels perturbe les écosystèmes par différents effets toxiques. Certains ont notamment des effets sur la sexualité et la reproduction des poissons, crustacés, coquillages, perturbant l’ensemble de la chaîne alimentaire et entrainant la raréfaction de certaines espèces.

Les études menées montrent qu’il y a un lien entre les traces de substances hormonales solubilisées – comme les œstrogènes contenus dans les pilules contraceptives – et le décalage d’équilibre des sexes de certaines espèces de poissons où les mâles se « féminisent » jusqu’à produire moins de sperme, changer leur physiologie, au point de produire des œufs. A long terme, ce type d’effets peut entraîner une diminution des tailles de population, ce qui peut avoir des implications induites sur l’ensemble de la chaîne alimentaire.

Certains micropolluants comme les pesticides aiment particulièrement les graisses, on dit qu’ils sont lipophiles. Les poissons gras en bout de chaîne alimentaire, comme le thon ou le saumon, en stockent ainsi un nombre important, c’est le principe de bio-accumulation. Et lorsque nous consommons ce poisson, nous absorbons aussi ces micropolluants !

Les effets sur les espèces animales sont de plus en plus constatés, notamment grâce à des études in-vitro en laboratoires. Des « organismes modèles », comme les souris ou les poissons zèbres, permettent de réaliser plus simplement ces études qui restent complexes ou impossibles sur d’autres espèces, pour des raisons techniques ou éthiques. Par exemple, le poisson zèbre est un petit poisson couramment utilisé qui permet d’étudier de manière approfondie ces phénomènes biologiques, dont les résultats sont partiellement extrapolables à d’autres espèces comme l’Homme (source : cnrs)

> Voir le reportage sur l’effet des micropolluants sur la faune aquatique à l’embouchure de la Seine (Université du Havre) – Global Mag – Arte 2011

Pour en savoir plus, consultez toutes nos sources dans le lien en bas de page

Micropolluant : toxique ou pas toxique pour l’homme ?

Toxicité, de quoi parle-t-on ?

La toxicité est la capacité d’une substance à provoquer un effet néfaste voire mortel sur un être vivant. La science qui étudie les substances toxiques sur l’humain est appelée toxicologie et celle qui étudie les substances toxiques sur la faune et flore s’appelle l’écotoxicologie.

Le degré de toxicité d’une substance dépend de sa stabilité dans l’environnement (persistance, rémanence, dégradation), de l’exposition, des voies de pénétration dans l’organisme (ingestion, inhalation ou contact), de la quantité et la durée d’exposition.

De façon générale pour bien comprendre, on distingue deux types de toxicité :

  • la toxicité aigüe, lorsque le polluant cause la mort ou des désordres physiologiques importants après l’exposition ;
  • la toxicité chronique, lorsque le polluant cause des effets irréversibles à long terme par une absorption continue de petites doses de polluants ou des effets cumulatifs.

Les effets toxiques sont classés de la façon suivante :

  • Cancérigène : erreur de multiplication des cellules
  • Mutagène : apparition de caractères héréditaires nouveaux
  • Reprotoxique : toxique pour la reproduction (stérilité, fécondité)
  • Neurotoxique : perturbation du fonctionnement ou du développement des cellules
  • Tératogène : apparition de malformations congénitales
  • Perturbation endocrinienne : perturbation du système hormonal
  • Immunotoxique : baisse de la protection immunitaire

Enfin, on distingue les effets toxiques à seuil de dose, quand les dommages sur un organisme apparaissent au-delà d’une certaine dose, et les effets toxiques sans seuil de dose, qui désignent des effets de polluants pouvant agir quelle que soit la dose. Cette catégorie regroupe les produits cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques.

Mesurer les effets toxiques des micropolluants

La toxicité des micropolluants découle souvent d’effets à long terme, qui peuvent n’apparaître que lorsque l’exposition a eu lieu à des moments très précis du développement. Et c’est toute la difficulté de leur étude ! De même, les effets d’une exposition à forte dose ne sont pas forcément les mêmes que ceux associés à une exposition chronique à dose faible… Un véritable casse-tête.

Autre difficulté : les périodes de vulnérabilité des êtres vivants face au risque toxique. Un organisme ne subit pas les mêmes effets lorsque le contact avec un perturbateur endocrinien a lieu in utero, avant ou après la puberté. Le risque sanitaire concernerait même la descendance d’un sujet, avant même qu’elle ne soit conçue ! C’est l’effet transgénérationnel. (source : inserm)

A cela se rajoute l’effet cocktail, c’est-à-dire l’effet néfaste de la combinaison de plusieurs micropolluants qui individuellement, ne sont pas nécessairement dangereux. En effet, certaines molécules combinées modifient leurs structures et peuvent ainsi s’avérer extrêmement nocives. Il existe aujourd’hui près de 100 000 molécules suspectées, ce qui rend l’étude particulièrement compliquée.

Des risques avérés sur la santé humaine

Pour les diverses raisons citées dans le paragraphe précédent, les impacts sur la santé humaine sont encore mal connus. Les effets néfastes sur l’homme sont fortement suspectés, mais rarement avérés en raison de la particularité d’actions de ces substances et au manque de recul sur le long terme.

Toutefois, certaines molécules sont clairement toxiques et provoquent des perturbations endocriniennes, des cancers, des troubles neurologiques ou comportementaux. Dans le viseur pour les perturbations endocriniennes : les produits de combustion comme les dioxines, les furanes, les hydrocarbures, les aromatiques polycycliques (HAP), les phtalates, les bisphénols, les parabènes (conservateurs utilisés dans les cosmétiques), les organochlorés (DDT, chlordécone…) utilisés dans les phytosanitaires ou l’étain et ses dérivés utilisés dans les solvants (source : inserm).

Depuis les années 60, les études se multiplient sur l’animal, mais aussi sur l’homme via l’étude de cohortes, c’est-à-dire des groupes de personnes. La recrudescence de maladies non infectieuses et chroniques en Europe est aujourd’hui mise en relation avec la perturbation endocrinienne grâce à des études concordantes en épidémiologie (étude sur l’homme) et en expérimentation animale. Des liens ont également été établis entre autisme et exposition de la mère à certains pesticides pendant la période pré-natale. Il a même été démontré que les mères qui étaient exposés aux PCB avaient des enfants avec un QI diminué de 5 points (source : Emission radio Les Savanturiers France Inter – Les perturbateurs endocriniens – 17/08/2019)

On estime que l’exposition durant la période pré-natale jusqu’au 2 premières années de vie de l’enfant est déterminante pour la santé future de l’enfant. De nombreuses études s’y intéressent aujourd’hui, on parle du concept des « 1000 premiers jours » de l’enfant (source : Santé Publique France)

Pour en savoir plus, consultez toutes nos sources dans le lien en bas de page.

Faut-il définitivement faire une croix sur les produits ménagers et cosmétiques ?

Concernant l’hygiène de rinçage (shampoings, gels douches, dentifrices, masques…), 100% de ces produits sont collectés au travers de nos baignoires, douches et lavabos et finissent leur cycle de vie dans les réseaux d’eaux usées. Ces polluants ne sont pas ou mal traités par les stations d’épuration et sont présents dans l’environnement. De même, 15% des produits sans rinçage (crèmes, huiles, démaquillants, déodorants, maquillage …) suivent le même circuit. Si l’on sait aujourd’hui que certains composés affectent la faune et la flore, ils sont également soupçonnés de provoquer des perturbations endocriniennes, des cancers (seins, fois, testicules, prostate…) documentés par de nombreux cancérologues. Vigilance donc, sans compter que l’on se les met directement sur la peau. Il faut être particulièrement attentif à l’utilisation de ces produits avec les enfants en bas âges ou les femmes enceintes, une population très vulnérable.

Quant aux produits ménagers, on sait que la surutilisation de produits désinfectants à base d’eau de javel, rend les bactéries plus coriaces ce qui peut devenir inquiétant pour l’avenir. Une fois rejetés dans le réseau d’eau, ils perturbent les écosystèmes et perturbent ainsi l’ensemble des êtres vivants de la chaîne alimentaire.

Un autre problème est l’émission de composés organiques volatiles (COV) qui polluent l’air intérieur et influent sur la qualité de vie et la santé. C’est pourquoi une aération des pièces de la maison, au moins 5min par jour est recommandée, l’idée étant de renouveler chaque jour l’air intérieur reconnu comme étant plus pollué que l’air extérieur (et même en ville) !

Une vingtaine de molécules parfumantes couramment utilisées dans nos produits du quotidien sont déjà reconnues comme étant allergènes par la commission européenne (voir la liste des 82 molécules actuellement à l’étude). Mais on ne peut pas vraiment parler de « danger » comme on le ferait pour des ingrédients cancérigènes ou pour des perturbateurs endocriniens ! Leur mention obligatoire dans la liste des ingrédients des produits cosmétiques est plutôt à titre informatif pour les personnes allergiques (comme l’est la mention « présence possible de fruits à coques » sur les produits alimentaires).

Enfin, un impact économique non négligeable...

La recrudescence des maladies non infectieuses et chroniques représente un coût très important en matière de santé publique.

De plus, en milieu urbain, les habitants contribuent quotidiennement et de façon non négligeable au rejet de micropolluants dans le réseau des eaux usées. S’y ajoutent évidemment les rejets de diverses activités économiques artisanales ou industrielles, l’entretien des espaces verts et les rejets hospitaliers. Tous ces rejets sont acheminés via les égouts dans les stations d’épuration qui aujourd’hui, ne retiennent pas ou peu ces molécules de synthèse.

Des solutions innovantes se développent lentement pour éliminer certaines substances ; certains pays sont même assez avancés telle que la Suisse. Mais s’il est techniquement possible de traiter les micropolluants avant leur rejet dans le milieu naturel, ces opérations seraient très coûteuses car elles nécessiteraient des travaux sur l’ensemble des 20 000 stations d’épuration en France, au frais du contribuable ! Et cela ne réglerait pas le problème puisque se poserait la question du devenir des boues résiduelles… De façon générale, comme on peut le constater sur la problématique des déchets au niveau mondial, il semble évident que nous gagnerons tous à réduire les micropolluants à la source.


> Consultez notre article sur les solutions pour limiter les micropolluants. 

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